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LES RUINES DOIVENT ÊTRE HABITÉES POUR POUVOIR ÊTRE RÉPARÉES

Ce texte est une traduction re-travaillée par Ariella Aïsha Azoulay en tenant compte de l’évolution de la situation en Palestine. Publié sous sa première version sur Jadaliyya, nous avons souhaité le traduire entre juifs et musulmans du continuum colonial français, avec la participation de l’auteure, de Malek Cheikh et de Y, tous trois issues de la région oranaise en Algérie. Nous remercions Jean-Baptiste Naudy éditeur chez Rot-bo-krik qui a participé à la mise en forme du texte en français. « Les ruines doivent être habitées pour pouvoir être réparées » situe la Nakba actuelle dans ses racines euro-coloniales et antisémites. Une histoire potentielle selon Ariella Aïsha Azoulay, refuse une histoire qui s’impose comme fait accompli, sur laquelle il serait impossible de revenir. Ce texte transgresse le champ de l’impossible. Il fait résonner une voix juive algérienne et palestinienne qui fait le récit d’une triple destruction : « celle de la Palestine, celle de la diversité des communautés juives et celle des communautés juives musulmanes de par le monde. » 

Pourquoi réécrire un texte quelques semaines après l’avoir publié ?

Parce que quelque chose d’horrible se déroule en Palestine

et parce que cela nous arrive à nous aussi, une fois de plus.

Qui est ce nous ? L’humanité.

L’horreur de la Nakba se répète sur nos écrans,

directement diffusée par les victimes, qui nous envoient aussi leurs témoignages.

Nous ne savons même pas si elles sont encore vivantes

quand leurs messages nous parviennent

puisque le génocide se poursuit grâce à l’argent et aux armes

que les États-Unis et l’Europe continuent d’envoyer en Israël,

pour que se répète 1948.

Dans un de ces témoignages, un Palestinien du nom de Nizar écrit

depuis le cœur de ces crimes contre l’humanité

qui sont inscrits sur leurs corps,

« Nous nous sentons très proches de la mort ici à Gaza,

nous sentons la mort à chaque seconde. Nous sentons l’odeur de la mort partout. »

Je ne sais toujours pas si Nizar a pu protéger ses enfants après qu’il ait décrit

combien il est difficile de les regarder dans les yeux :

« On n’y voit que de la peur et des larmes, vous sentez bien

que vous n’êtes pas capable de les protéger ou de les sauver ».

Ne sachant que trop bien que les projets d’extermination des nazis

inscrits sur le corps des Juifs, des Roms, des queers et d’autres encore,

ne seraient, hélas, pas les derniers, Hannah Arendt se rendit à Jérusalem

pour assister au procès d’Eichmann, et nous en a fait un rapport détaillé

pour que nous n’oubliions jamais le principe des crimes contre l’humanité,

ces mêmes crimes que ce tribunal échoua à énoncer clairement en 1961.

Journalistes palestiniennes. Ghalia Hamad écrit en légende : “Dans les yeux, mille larmes et un serrement… nous aurions dû nous rassembler dans nos maisons détruites au lieu de rester assis à regarder l’impuissance des enfants. passer devant nous par dizaines.”


Ces crimes sont inscrits sur les corps de leurs victimes.

Et dès que ces groupes racialisés sont pris pour cible

ce sont les fondements même de leurs communautés qui sont attaqués.

Ces crimes mettent la communauté en péril et saccagent sa loi.

Quelle que soit la définition de cette communauté — nation, état, village, peuple —

la loi que l’on saccage est celle de la diversité humaine.

Vider la Palestine des Palestiniennes et des Palestiniens et créer un état

pour empêcher leur retour était un crime contre l’humanité.

Les responsables, celles et ceux qui l’ont mis en œuvre,

étaient des juives et des juifs sionistes,

formés en Europe à devenir des agents coloniaux.

Dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale

les puissances impériales euro-américaines ont confié la Palestine aux sionistes

par la voix de l’organisation internationale

qu’elles avaient créée à la fin de cette guerre pour les aider à imposer

un nouvel ordre mondial.

La Palestine est à vous, dirent-elles, en vertu du droit des Nations Unies.

Et ce faisant, elles ont désigné les Palestiniennes et les Palestiniens

comme les corps sur lesquels ces crimes contre l’humanité seraient inscrits.

Ces dernières semaines, un des lieux de mémoire de ces crimes,

Gaza, inventé en 1948 comme une « bande », un bout de territoire étroit

dans lequel deux cent mille expulsés furent entassés dans huit camps de réfugiés,

a été partiellement balayé de la surface de la terre.

Alors même que la mémoire de ces crimes

et des vies que les Palestiniennes et les Palestiniens

avaient reconstruites à Gaza est rasée,

la mémoire d’une nouvelle Nakba est inscrite, tatouée

sur les corps des descendantes et des descendants de la Nakba de 1948,

et de leurs enfants.

Et le gouvernement de l’état d’Israël, à l’unisson

avec les gouvernements occidentaux, voudrait nous faire croire

que ce génocide n’a pas lieu.

Les crimes contre l’humanité ne sont pas définis par les souffrances des victimes,

aussi grandes soient-elles.

L’attaque meurtrière du 7 octobre contre les Israéliennes et les Israéliens,

était un acte de résistance des Palestiniennes et des Palestiniens contre

« les mille morts » qu’elles et ils ont subi depuis 1948.

Il ne faut pas l’oublier, et on peut refuser de justifier cette attaque,

et pourtant le redire à voix haute, quand cette attaque est utilisée

pour justifier un crime contre l’humanité,

dont le but est d’éliminer les Palestiniennes et les Palestiniens

parce qu’elles sont Palestiniennes, parce qu’ils sont Palestiniens,

et de ce fait une menace à la souveraineté israélienne,

qui ne les veut pas là, à savoir, en terre palestinienne.

Un génocide se déroule par étapes

qui peuvent être longues et déconnectées, ou bien rapides et enchevêtrées :

expulsion, concentration, meurtre.

Ces étapes ne se produisent pas toujours dans cet ordre,

mais elles partagent un même but : éliminer un ou plusieurs groupes,

afin d’inventer un peuple ou un corps politique

débarrassé de la présence de ces groupes.

Avec du recul, ce génocide se poursuit depuis 1948,

et il est enchevêtré au génocide

inscrit sur les corps des juives et des juifs — et ils ont une même origine

les technologies et imaginaires racialistes et colonisateurs euro-américains.

En cela, nous devons nous souvenir,

que l’état d’Israël fut aussi créé dans le but d’éliminer les juives et les juifs,

de les priver de leur longue histoire, de leurs mémoires indisciplinées,

dans le but de les faire disparaître sous une nouvelle catégorie de juifs,

les Israéliens.

Nous avons besoin d’une « histoire potentielle »1,

pour contrer la discipline de l’histoire

qui considère ce qui a été perpétré par la violence

comme un fait accompli, sur lequel on ne peut revenir.

L’histoire potentielle refuse de considérer la partition de la Palestine,

entamée en 1947, comme un fait accompli

(la première étant les accords de Sykes-Picot)

et Israël comme son avenir inévitable ;

elle refuse d’oublier le rôle et les intérêts de l’Europe puis des États-Unis

dans la formation de ce projet colonial et dans sa perpétuation, jusqu’aujourd’hui.

Faire de la Palestine une question fut le début d’un projet colonial.

Un lieu ne peut être transformé en question à moins que des entrepreneurs d’empire

ne le méprisent en tant que monde et n’y voient que des ressources à extraire.

Faire d’un peuple une question, la « question juive », fut aussi

le début d’un projet colonial.

Un peuple ne peut être transformé en question à moins que

des entrepreneurs d’empire

ne forcent les gens et les communautés qui les entourent à abandonner

leurs modes de vie tout en commençant à façonner

des « solutions » pour se débarrasser d’eux,

au bénéfice de leurs seuls intérêts.

Ce type de violence fondatrice, qui transforme un lieu ou un peuple

en question, est souvent enterrée sous d’autres vagues de violence,

dans le but de faire oublier,

même à celles et ceux qui ont été colonisés par la question impériale,

qu’elles et ils ne luttent pas seulement contre les responsables actuels mais aussi

contre ceux qui les ont forcés à devenir une question ou une solution.

C’est de là que je suis partie quand j’ai écrit ce texte en Septembre.

Quiconque parle de la question de la Palestine

doit commencer par dire d’abord qui elle est, qui il est,

comment cette question l’impacte,

ou dans quelle mesure elle ou il est impliqué dans le maintien de la Palestine

en tant que question impériale,

pour laquelle, par définition, il n’y a que des solutions impériales.

Donc, qui suis-je ?

Je suis une Juive palestinienne – une espèce aujourd’hui presque éteinte.

Et je suis une Juive algérienne, une autre de ces espèces en voie d’extinction.

Pourquoi parler d’extinction?

Parce que des termes en apparence aussi innocents que

liberté, peuple, nation, état-nation, droit international ou souveraineté

ne sont pas que des concepts, ce sont aussi

des technologies impériales euro-chrétiennes, qui ont été utilisées pour éliminer

ces identités et ces formes d’appartenance

qui étaient perçues comme des obstacles à l’invention des nations modernes,

dont la nation moderne juive,

des nations qui reposent sur le fantasme d’un corps politique homogène,

que les appareils d’état, d’état-nation, se doivent de garantir.

Pour créer, à la fin du 18ème siècle, une nation juive moderne,

la violence impériale s’est d’abord abattue sur les communautés juives,

des communautés qui étaient différentes les unes des autres

et dispersées de par le monde,

pour les forcer à se reconnaître dans cette entité fabriquée —

une entité étrangère à leurs croyances, à leurs pratiques, à leurs lois,

qui n’avaient jamais été centralisées ni homogènes.

C’est ainsi que le problème juif et sa « première solution » — l’unification — sont nés.

Ces efforts d’unification ont été menés à bien par la violence

de l’assimilation et de l’émancipation,

dans le but d’éliminer les Juives et les juifs et d’en faire quelque chose d’autre.

Ces efforts ont échoué car les Juives et les juifs sont restés,

dans l’imaginaire européen, un problème.

Les sionistes chrétiens et des organisations comme

la « Société londonienne de promotion du christianisme parmi les juifs »,

qui dès le début du 19e siècle avaient des antennes en Palestine,

avaient déjà fait de la Palestine « une question »

et mobilisaient la place particulière de la Palestine, de Sion,

dans le cœur des Juives et des Juifs, pour servir un projet politique

qui leur attribuait un rôle dans la conception impériale chrétienne du monde.

[FIG. 1 CHRIS CHURCH, LA PREMIÈRE ÉGLISE PROTESTANTE DE JÉRUSALEM, 18 MARS 1845]

L’assimilation fut entremêlée à la conversion, et suite à son imposition,

de nombreuses Juives et Juifs en Europe – dont il était attendu

qu’ils vivent comme des chrétiens laïcs

et qu’ils ne soient Juifs que chez eux – se sont convertis et ont mené

ces missions en Palestine.

Cette église, fondée à Jérusalem au début des années 1840, en est un exemple.

La plupart des histoires du sionisme négligent le fait

que depuis le début du 19e siècle, ce sont des sionistes non juifs

de France, d’Angleterre et d’Allemagne qui ont élaboré

les premiers plans de colonisation de la Palestine

par les Juives et les Juifs, dont on ne voulait pas en Europe,

à moins qu’ils ne se convertissent et ne remplissent cette mission.

Ce n’est que plus tard, avec la montée du racisme contre les juives et les juifs

et l’expansion contagieuse de la nation et du nationalisme

(et des technologies violentes qui les imposent), que l’imaginaire politique

d’un monde uniquement organisé sous le forme d’états-nations fut consolidé,

et que les Juives et les juifs d’Europe furent progressivement formés et incités

à se transplanter en Palestine et à adopter ce projet européen —

un projet qui visait à se débarrasser d’eux — en tant que leur projet de libération,

qui leur permettrait d’enfin regagner leur dignité humaine,

qui avait été écrasée et blessée par l’Europe.

Tout au long du 20e siècle, l’Europe a continué à chercher

des solutions territoriales, c’est-à-dire coloniales, des lieux où

les Juives et les juifs pourraient être transplantés :

l’Ouganda, Madagascar, Theresienstadt,

jusqu’à ce que, finalement, la Palestine soit « choisie ».

À la fin de la Première Guerre mondiale, la Palestine avait déjà été

conquise par l’Europe, séparée de la Syrie, et répartie comme un trophée

entre les Britanniques et les Français, en partie aussi pour punir l’Allemagne.

Ces trois mêmes pays européens portaient la responsabilité d’avoir inventé

différents juifs en tant que peuple juif,

un peuple qui avait cette particularité de ne pas avoir de terre.

C’est ainsi que la solution au « problème juif » a commencé à être enchevêtrée

à la question de la Palestine.

C’est ainsi que la Palestine a pu devenir une colonie, de peuplement qui plus est —

un projet européen confié aux sionistes qui finirent par prendre part

à la « résolution » du problème que les juifs et juives posaient à l’Europe,

et à se mettre au service de la solution à la grande peur de l’Europe

de perdre la Palestine au profit de ses habitantes et de ses habitants,

qui résistaient à son pouvoir colonial, et contestaient les torts qui leur étaient faits.

C’est ainsi qu’un état-nation juif « pareil à tous les autres » put voir le jour

et que ses dirigeants purent passer pour les représentants

de la population juive mondiale.

C’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale

que la colonisation sioniste de la Palestine

émergea comme une solution à un autre problème encore :

la responsabilité de l’Europe dans les crimes contre l’humanité

inscrits sur les corps des juives et des juifs.

Et ainsi l’Europe, échappant à sa responsabilité dans la création

de la « question juive » — pour laquelle le génocide était une des « solutions » —

et de la « question de la Palestine »,

pu promettre la Palestine aux sionistes (ce n’était pas la première fois),

à la condition que désormais les Palestiniennes et les Palestiniens,

et par extension, les Arabes, les Musulmanes et les Musulmans,

deviennent leurs ennemis, et que les sionistes mènent le combat contre eux.

Depuis les années 1930, la Palestine avait aussi accueilli

des réfugiés fuyant l’Europe, et dont la plupart n’étaient pas sionistes.

L’opposition à la création d’un état pour les juives et les juifs en Palestine,

était énorme chez celles et ceux qui habitaient la Palestine,

de même que dans les pays environnants,

dont les juives et les juifs qui avaient toujours vécu là,

et qui craignaient qu’un tel état ne mette fin au monde juif musulman.

Mais cet état fut néanmoins proclamé

et immédiatement reconnu par l’ONU — cette organisation internationale

créée par les forces impériales euro-américaines pour leur permettre

de préserver leurs colonies partout en Afrique

et de consolider le « nouvel ordre mondial » auquel elles présidaient.

Dans cet état-nation, la nationalisation de l’identité des juives et des juifs

fut poussée à l’extrême.

Ce que ces technologies produisirent fut une forme de nationalité

que les euro-sionistes eurent plus tard le pouvoir d’imposer

à des enfants comme moi, nés dans les fabriques à humains

qui apparurent dans la colonie sioniste de Palestine,

une identité nationale complètement fabriquée : les Israéliens de confession juive.

Il faut le dire sans détour : cette identité fut conçue

pour empêcher le retour des Palestiniennes et des Palestiniens,

le retour de la Palestine,

et contre les histoires riches et diverses des communautés juives,

dont beaucoup vivaient au sein des communautés musulmanes.

En revendiquant et en incarnant ces identités presque éteintes,

juive palestinienne et juive algérienne, je refuse de me reconnaître

dans l’identité nationale « israélienne »

qui fut inventée dans le but de rendre impossible le retour de la Palestine,

et des Palestiniennes et Palestiniens sur leurs terres, de même que notre retour

en tant que juives et juifs, au monde de nos ancêtres,

dans lequel nous appartenions à des communautés diverses.

Les Juives et les Juifs n’avaient pas de terres que l’Europe aurait pu coloniser ;

elles et ils possédaient plutôt une forte identité de groupe,

— ce que Franz Fanon appelle une « résistance ontologique » —

qu’elles et ils ont préservé et transmis à leurs enfants pendant des siècles

au travers de principes, de pratiques et de formations sociales et spirituelles.

L’Europe a cherché à détruire et à remplacer cette identité de groupe

avec ses propres formes, principes, croyances et technologies d’organisation,

ou pour le dire sans détour, à la coloniser.

La colonisation s’en prend le plus souvent aux terres.

Les juives et les juifs n’ayant pas de terres,

l’Europe s’est employée à coloniser leur esprit

à détruire cette résistance ontologique identitaire par

le sécularisme impérial dévorant de l’Europe et à dissoudre

leur autonomie et leurs principes d’organisation propres.

La colonisation des juives et des juifs, d’abord en Europe puis

dans ce qu’on appelle l’Afrique du Nord et le Moyen Orient,

cibla et chercha à détruire la diversité de leurs identités,

de leurs formes d’appartenance, de leurs pratiques, de leurs croyances

et à les soumettre à une unique loi mosaïque codifiée par Napoléon

qui aplanit la pluralité des lois et des pratiques qu’elles et ils chérissaient,

et au contrôle des pouvoirs coloniaux de l’état moderne.

L’Europe avait un intérêt évident à associer les « solutions » au

« problème juif » aux seuls nazis, pour que disparaisse l’origine

de « la question », à savoir la formation coloniale de l’Europe des Lumières,

qui força d’une part des Juives et des Juifs divers à se représenter eux-mêmes

en tant que membres d’un seul et même peuple — le peuple juif,

avec une histoire nationale unifiée —, et d’autre part

à s’assimiler à l’espace blanc, chrétien et séculier de l’état moderne,

en tant que citoyennes et citoyens individuels, et plus tard,

en tant que nation se conformant

à un état chrétien modèle mais fait pour les Juifs et en leur nom.

Sans le soutien des puissances impériales euro-américaines,

le sionisme et son régime colonial en Palestine n’auraient pas survécu,

et une autre formation politique, cherchant à réparer les blessures et les injustices

causées par le projet tragique qu’est la colonisation de la Palestine,

aurait pu voir le jour il y a longtemps.

Chacune des solutions à la « question juive » et à la « question de la Palestine »

inventées et soutenues par les puissances euro-américaines

et les technologies impériales,

dissimulent le vrai problème qui a produit ces questions — l’Europe

et l’Occident en général !

L’idée du sionisme est née comme une solution européenne

pour les populations juives conçues comme un problème,

et elle a aussi servi à résoudre la question de la Palestine.

Le signal de lancement de la destruction de la Palestine

fut donné par les puissances impériales le 29 novembre 1947,

quand l’ONU prit sa résolution sur le partage de la Palestine

contre la majorité des Palestiniennes et des Palestiniens

qui habitaient la Palestine, et contre les Juives et les Juifs du monde entier

qui n’avaient pas choisi la voie sioniste.

[CAIRE, BAGDAD, BEYROUTH, DÉCEMBRE 1947]

Au Caire, à Bagdad, à Beyrouth, en Palestine, les gens manifestèrent contre

la résolution de l’ONU sur la partition de la Palestine.

Ils en connaissaient déjà assez sur le colonialisme européen pour savoir

que ce à quoi ils s’opposaient était la violence génocidaire

requise pour mener à bien la partition de la Palestine.

Seules notre perception endommagée et nos mémoires brisées

peuvent nous laisser croire que parmi ces foules immenses,

il n’y avait pas aussi de nombreuses juives et juifs,

dont les vies au sein des mondes juifs musulmans maintenant menacés

étaient entremêlées aux luttes anticoloniales.

Voici ce que Siril Shirizi, un des fondateurs de la Ligue juive antisioniste

du Caire, un groupe d’activistes juifs arabes opposé à la partition, écrivait en 1947

— peut-être est-il au milieu des manifestants photographiés au Caire :

Hommes juifs ! Femmes juives !

Le sionisme veut nous lancer dans une aventure dangereuse et sans espoir.

Le sionisme contribue à rendre la Palestine inhabitable.

Le sionisme veut nous isoler du peuple égyptien.

Le sionisme est l’ennemi des Juifs.

À bas le sionisme ! Vive la fraternité des Juifs et des Arabes !

Longue vie au peuple égyptien !

[FIG. 6, PALESTINE, DÉCEMBRE 1947]

Ce sont les dernières photographies des mondes

que les colonialismes européens et sionistes ont détruit.

Les juives et les juifs ne pourraient plus être considérés

comme partie intégrante de leurs mondes ancestraux,

et les Palestiniennes et les Palestiniens ne pourraient plus être considérés

comme les gardiens de leur pays,

sans en même temps être conçus comme une menace

pour les habitantes et les habitants juifs de la Palestine,

ils ne pourraient plus agir comme des sujets politiques qui s’opposent

à un projet génocidaire imposé par une minorité

ni même mettre en garde contre ce projet.

Dans toutes les photos prises ultérieurement dans cette région, juifs et Palestiniens

sont présumés ennemis, occupant des positions

créées pour eux par l’Europe et les États-Unis,

dont le rôle dans cette histoire génocidaire

doit être reconnu avant et au-delà du génocide en cours à Gaza,

pour que la décolonisation puisse être imaginée de fond en comble,

depuis l’héritage colonial des guerres napoléoniennes, depuis les croisades,

depuis l’expulsion des Juifs et des Musulmans d’Espagne.

C’est à partir de ce moment-là que les sionistes

(qui, jusqu’à la création de l’état, venaient principalement d’Europe),

ont gagné en emprise sur bien des juives et des juifs qui n’étaient pas sionistes,

et les ont colonisés par la migration provoquée et forcée du monde juif musulman

en Afrique du Nord et au Moyen Orient, les ont endoctrinés

pour en faire des sionistes, et en agissant comme leurs représentants,

ont veillé à ce qu’ils et elles ne puissent agir à l’extérieur

du cadre déterminé par leur violence — une violence que Walter Benjamin

a décrite comme constitutive de la loi, imposée comme la loi, et dont la préservation

requiert l’exercice indéfini de la violence, comme on peut le voir aujourd’hui.

La loi créée par cette violence établit une guerre entre « deux côtés »,

« deux côtés » dont la création, bien entendu, s’est faite dans un déluge de violence.

Le but de la violence sioniste, donc, est à la fois de solidifier et de maintenir

ces « deux côtés » de façon à ce que le mot « Palestinien »

ne désigne plus un habitant de la Palestine,

mais l’ennemi de celles et ceux qui sont devenus les habitants de l’état d’Israël,

créé en Palestine pour éliminer la Palestine.

C’est pour cela que je le répète :

je suis une Juive palestinienne, qui revendique une identité rendue hors-la-loi.

Nous devons nous souvenir que jusqu’à la Seconde Guerre mondiale,

le mouvement sioniste était anodin, qu’il n’attirait

que très peu de juives et de juifs dans le monde.

Après la Seconde Guerre mondiale, la situation des Juives et des Juifs en Europe

devait être radicalement transformée, alors même que

les technologies qui les avaient racialisés et exterminés, avec bien d’autres groupes,

des technologies qui auraient dû être abolies,

furent en fait préservées et protégées par le droit international.

Nazis et juifs furent exceptionnalisés pour innocenter l’Europe.

Plutôt que d’abolir l’Europe et ses technologies racialisantes,

l’Occident « offrit » aux sionistes la création d’un état

équipé de toutes les technologies impériales

inventées et mises en place par l’Europe en Amérique, en Asie et en Afrique.

Depuis lors, les sionistes, épaulés par celles et ceux qui les soutiennent,

parlent pour les Juives et les Juifs et agissent en leur nom.

Cela n’aurait pas été possible sans la transformation de l’Holocauste

en un exemple de souffrance universelle incomparable,

infligée par un ennemi exceptionnel et incomparable,

de manière à dissiper les similitudes et les continuités

avec les technologies génocidaires utilisées par les autres puissances européennes

dans leur colonies et ailleurs, et par l’état d’Israël lui-même

contre les Palestiniennes et les Palestiniens.

Avec la création de l’état d’Israël, des siècles de vie commune

entre juifs et musulmans ont été détruits, condamnés à l’oubli,

et rendus difficiles ne serait-ce qu’à imaginer.

La destruction de ce monde n’est pas une coincidence mais un crime impérial.

C’est le résultat de l’invention de ces deux questions entremêlées

la « question juive » et la « question de la Palestine »,

qui a fait de la Palestine, des Palestiniennes et des Palestiniens

les ennemis des juives et des juifs, et vice versa ;

Les Juives et les Juifs furent associés de force aux sionistes

et au peuple juif que les sionistes prétendent représenter ;

et de cette manière, quelle que soit leur histoire

même si elles et ils se sont opposés au régime colonial en Palestine —

on a fait des Juives et des Juifs les ennemis des Palestiniennes et des Palestiniens,

des Arabes, des Musulmanes et des Musulmans.

Ainsi, une triple destruction fut la solution à cette double question :

celle de la Palestine, celle de la diversité des communautés juives,

et celle des communautés juives musulmanes de par le monde.

Jusqu’aujourd’hui, cette technologie européenne de racialisation,

exacerbée dans sa variante américaine,

est utilisée pour maintenir la division entre Juifs et Palestiniens,

entre Juifs et Arabes, comme si c’était là des catégories

qui s’excluaient mutuellement, et pour effacer le souvenir

de l’existence d’un monde juif musulman,

tout en nourrissant l’invention d’une prétendue « tradition judéo-chrétienne .»

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,

l’invention de cette tradition a permis à l’Europe de se réinventer

en tant que sauveuse des Juifs.

Elle a déterminé qui les Juives et les Juifs pouvaient devenir,

comment elles et ils pouvaient parler et agir dans ce monde.

Les Juives et les Juifs ont été forcés d’adhérer aux assignations de cette tradition,

sous peine de redevenir une fois de plus un problème à résoudre par l’Europe.

Si nous refusons de l’oublier, alors nous ne pouvons plus voir

la Palestine comme une zone de guerre qui oppose uniquement

Israéliens et Palestiniens, et notre imaginaire décolonial se doit de la dépasser

pour inclure la décolonisation du monde fabriqué

par les puissances euro-américaines.

Le soutien à l’état d’Israël accordé par ces puissances impériales

sous forme d’argent, d’armes, de lois interdisant de manifester ou de dire la vérité,

atteste, une fois de plus, que l’intérêt de ces puissances

est de maintenir les Israéliens dans leur rôle de mercenaires de l’Occident

contre les Palestiniennes et les Palestiniens, contre les Arabes,

contre les Musulmanes et les Musulmans.

La dissension parmi les Juives et les Juifs après la Seconde Guerre mondiale,

n’a pas eu beaucoup de choix — si elles et ils ne voulaient pas

partir en Israël — si ce n’est d’adhérer aux assignations de cette tradition

judéo-chrétienne, inventée pour les réduire au silence

et pour les forcer à accepter cette nouvelle histoire fabriquée.

Cette dissension passe aujourd’hui par le ravivement de nos traditions ancestrales,

par le refus de nous reconnaître dans un pouvoir d’état et

par la réparation des ruines de ce monde, le tikkun olam.

La décolonisation de la Palestine du régime de la colonisation n’est pas

qu’un projet palestinien, c’est aussi un projet juif.

Beaucoup d’entre nous, Juives et Juifs de la diaspora, sont engagés dans ce projet,

dans notre quête pour nous libérer du sionisme — une lutte qui implique aussi

le ravivement des mondes juifs ancestraux qui précédèrent le sionisme

et qui perdureront bien après sa disparition.

Nous nous opposons à l’amalgame entre Israéliens et Juifs,

entre Israël et le judaïsme,

un amalgame qui nous a été imposé par le discours sioniste

et qui est soutenu par tant d’états occidentaux

qui criminalisent la critique d’Israël en la qualifiant d’antisémitisme,

et tentent de réduire au silence les Juives et les Juifs

qui refusent de soutenir l’état d’Israël.

Si le génocide est imminent à tout régime colonial de peuplement,

la décolonisation est elle aussi imminente à ces régimes.

La décolonisation peut être violente si les Israéliennes et les Israéliens

continuent à dénier aux Palestiniennes et aux Palestiniens

le droit à la liberté, à la justice et au retour ;

ou bien elle peut être douloureuse – mais aussi libératrice

pour nous toutes et tous – si les Israéliennes et les Israéliens

reconnaissent enfin que les Palestiniennes et les Palestiniens

ne sont pas leurs ennemis et qu’ils peuvent cesser d’agir

comme les mercenaires de l’Occident dans sa guerre

contre les Arabes et l’Islam au Moyen-Orient

et contre les Palestiniennes et les Palestiniens localement.

La liberté de la Palestine est aussi la liberté des Juives et des Juifs,

et pour l’atteindre, les Juives et les Juifs doivent se libérer de ce régime colonial,

qui leur a dérobé la diversité de leurs histoires.

Nous, juives et juifs musulmans, juives et juifs dont les ancêtres

furent déracinés d’un monde en partage avec les musulmanes et les musulmans,

nous nous opposons à la réorganisation du monde

par ces projets coloniaux qui nous empêchent de vivre

parmi les musulmanes et les musulmans, comme nos ancêtres l’ont toujours fait.

Nous devons nous libérer de la terreur européenne, cette terreur sioniste,

et oeuvrer à la décolonisation – et à la dé-nationalisation – des populations juives,

afin de redevenir un problème pour le « nouvel ordre mondial » euro-américain,

et de rejoindre les autres groupes racialisés par l’Europe,

insoumis à l’ordre global racial,

en refusant d’incarner les problèmes ou les solutions,

et en ravivant un monde juif musulman partagé, contre ce

nouvel ordre racial mondial, qui n’est qu’une autre solution euro-américaine

imposée comme fin à la Seconde Guerre mondiale.

Habiter le monde juif musulman et le laisser s’épanouir

est inséparable de la décolonisation de la Palestine,

qui ne pourra être réparée et devenir un véritable horizon pour la décolonisation

que si, ensemble, nous démantelons les technologies impériales

qui permirent cette destruction, que si nous nous battons pour abolir

les technologies européennes de racialisation.

La décolonisation de la Palestine est inséparable

de la décolonisation des juives et des juifs.

Partisanes et partisans de la décolonisation, nous ne pouvons aspirer à une solution

qui promettrait de transformer la Palestine en un état-nation « moderne ».

Nous devons revenir à ce qui a été détruit, aux ruines et aux possibilités

qu’on exila comme relevant du « passé ».

Nous devons les reconstruire et les ressusciter avec et au nom de

celles et ceux qui furent colonisés et expulsés,

avec et au nom de leurs descendantes et descendants.

Les ruines doivent être habitées avant d’être réparées,

une réparation lente qui s’appuiera sur les multiples et

diverses formations de soin et de protection

sociale, politique, spirituelle qui furent détruites par les technologies européennes

de violence et de droit colonial et international

imposées à toute loi commune pré-coloniale.

Ce sont les formations qui organisèrent autrefois le monde juif musulman,

et elles peuvent être ravivées, continuées et amendées.

Cette décolonisation jumelle nous oblige à revenir aux monceaux de ruines —

dont beaucoup n’ont pas même été approchés — et à les habiter,

à réparer les communautés détruites, à ressusciter la terre, à guérir les blessures,

à demander Pardon aux Palestiniens sans attendre d’être pardonnées,

non pas pour racheter celles et ceux qui ont commis des crimes

mais pour réaliser la conviction de l’humanité qu’en Palestine, la décolonisation

ne pourra se faire dans les termes génocidaires euro-américains,

qu’en Palestine, seront abolies les lois racialisantes de l’empire

qui ont mené à tant de crimes contre l’humanité.

Le retour de la Palestine comme un lieu dans lequel les crimes ne sont pas effacés

par d’autres crimes.

Le retour de la Palestine comme un lieu où nous appelons et invoquons

nos divers ancêtres pour nous guider à raviver les potentialités

qu’ils et elles virent être détruites, en sachant que c’était à tort

qu’on les décrivaient comme (dé)passées.

1 Ariella Aïsha Azoulay, Potential history – Unlearning Imperialism (Verso, 2019).

Biographie de l’auteure : Ariella Aïsha Azoulay est professeure de Culture moderne et médiatique ainsi que de Littérature comparée à l’Université Brown. Elle est également essayiste cinématographique et commissaire d’archives et d’expositions. Parmi ses ouvrages, on trouve : “Potential History – Unlearning Imperialism” (Verso, 2019) ; “Civil Imagination: The Political Ontology of Photography” (Verso, 2012) ; “The Civil Contract of Photography” (Zone Books, 2008) ; et “From Palestine to Israel: A Photographic Record of Destruction and State Formation, 1947-1950” (Pluto Press, 2011). Certains de ses films comprennent “Un-Documented – Undoing Imperial Plunder” (2019) et “Civil Alliances, Palestine, 47-48” (2012). 

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5 – Transmettre

AssiégéEs vous présente son 5ème numéro : Transmettre.

Commandez la revue directement sur le site des Éditions Syllepse.

Lire la revue en ligne gratuitement : directement sur Issue.

Transmettre

Collection : « Féminismes et genre »

Coordinateur : Fania Noël

Parution : Septembre 2021
Pages : 84
Format : 210 x 297
ISBN : 978-2-84950-978-4

Présentation :
Les absences et les manques nous hantent. Nous les comblons par des « lectures perverses » de l’Histoire et des bricolages d’archive. Pour les « racisés d’en bas », l’absence de traces conduit parfois à tourner le regard vers ce qui s’est joué aux États-Unis. Il arrive que nous soyons contraint·es d’épier les archives coloniales/hégémoniques comme Michaëla Danjé dans « Je chante l’amour du Collectif ». Ces histoires nous parviennent en fragments. Elles nous interpellent et nous interrogent. Nous tentons de répondre à leur appel, et aux désirs de justice qu’elles invoquent, et dans lesquels parfois nous nous reconnaissons. Au coeur d’AssiégéEs, il y a une volonté de conserver quelques « traces » des pensées et luttes minoritaires. Nous savons qu’une telle démarche est complexe car la publication d’une revue papier implique nécessairement de cadrer, hiérarchiser, sélectionner. Comment ne pas reproduire dans nos passions d’archive, nos collectes de traces, la même violence épistémique qui est à l’origine de l’occultation et de la production de la non-existence ? C’est probablement l’un des points de départ du présent numéro qui regroupe des interprétations de notre appel à contribution sur les transmissions et leurs im/possibilités, en contexte post-colonial et post-esclavagiste. .

Directrice de publication : Fania Noël

Rédacteur en chef : Malek Cheikh

Conception graphique:
Nesma Merhoum

CORRECTION ET RELECTURE
Zohra Ab
Émy Masami
Laurence Meyer
Ghiwa Sayegh
Kenza T.

RÉSEAUX SOCIAUX
Marguerite Vil

ARTICLES
Lamia Aït Amara
Alias
Malek Cheikh
Reese Chniber
Larissa Clement Belhacel
Gerty Dambury
Sara Isabel
Jeyavishni Francis Jeyaratnam
Karim, Manel, Houyem
Isis Labeau-Caberia
Riddim Mal Kassé
MMTK
Aroun Mariadas Savarimouttou
Laurence Meyer
Ghiwa Sayegh
Lau Rallin-Nollet

ILLUSTRATIONS & BD
Lamia Aït Amara
Zohra Chaabi
Reese Chniber
Douceur Erajh
Fedra Guttiérez
Zohra Khaldoun
Maya Mihindou
MMTK
Oyaomi
Lau Rallin-Nollet
Zas Ieluhee

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4 – Utopies

AssiégéEs vous présente son 4ème numéro : Utopies. 

Commandez la revue directement sur le site des Éditions Syllepse. 

Collection : « Féminismes et genre »

Parution : Septembre 2020 

Pages : 84
Format : 210 x 297
ISBN : 978-2-84950-884-8

Présentation :

L’idée de consacrer un numéro aux utopies a été décidée bien avant que la pandémie ne nous confine, et la promesse présidentielle d’un « monde d’après », qui fait peur plus qu’il ne fait rêver, à partir du moment où nous avons vu des drones se mettre à parler. Nous ne sommes pas tous égaux/égales face à la tâche d’imaginer quel serait ce monde, dans un contexte d’état d’urgence sanitaire qui a affecté de façon différenciée les individus selon leur race, leur classe et leur genre. Comment imaginer d’autres mondes quand nous sommes sous l’emprise de « nécessités pressantes » comme celle d’assurer la continuité de la vie de la nation, endossée principalement par des femmes et/ou racisé·es et/ou prolétaires.

2020 signe les cinq ans de la revue AssiégéEs qui met au centre les réflexions et les enjeux des personnes racisées appartenant aux minorités sexuelles et de genre, comme une opportunité de produire des savoirs, et de créer, avec nos façons de faire. Penser nos expériences n’est pas une finalité lorsque nous produisons des connaissances, parfois sous la forme d’auto-histoires : il s’agit toujours de nous relier à des histoires collectives ; de penser les rapports sociaux, les structures oppressives, à partir de la condition minoritaire ; de confronter fructueusement les multiples expériences de racialisation et de sexualisation.

Avec la revue AssiégéEs, nous faisons l’effort de traduire « nos propres peurs », « nos propres insécurités » comme l’espérait Donna Kate Rushin, car notre parole politique ne peut être réduite à traduire et faire des ponts entre les un·es et les autres, car nos corps et nos dos ne sont pas des ponts à piétiner. 

Directrice de publication : Fania Noël

Rédacteur en chef : Malek Cheikh

Conception graphique:
Nesma Merhoum

Correction et relecture:
Zohra Ab
Khadidja
Laurence Meyer
Nesma Merhoum
Kenza T.

Réseaux sociaux =
Louyi

Articles :
Jade Almeida
Myriam Bahaffou
Dawud Bumaye
Marie-Julie Chalu
Malek Cheikh
Agnès Delrieu et Anaïs Duong-Pedica
Oumaima Dermoumi
Féministes algériennes solidaires
Fedra Gutiérrez
Hajer
Khadidja
Kiyémis
Laurence Meyer
Fania Noël
Princia et Umar
Kenza T.
Tam, Anticorpsmembranaire et Dagem

Illustrations & BD
Lina Abazine
Fedra Gutiérrez
Thiziri
Zas Ieluhee
Zohra Khaldoun

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3 – Urgences

#3 Urgences

AssiégéEs vous présente son troisième numéro :

Urgences

Comme pour chaque numéro l’équpe d’AssiégéEs s’occupe de la conception, réalisation et impression dans le cadre d’un engagement militant. Pour arriver jusqu’à vous nous devons fonctionner avec un système de pré-commande afin de couvrir les coûts d’impression. Cette année nous avons décider d’être en partenariat avec les éditions Syllepse, qui assureront la distribution et promotion de la revue grâce à un réseau dans toute la France et à international. 

A partir du 15 mars 2019, vous pourrez retrouver AssiégéEs dans vos librairies et sur commandes sur le site Syllepse.

Les pré-commandes sont ouvertes jusqu’au 28 janvier 2019.

Pré-commande – retrait gratuit ( Paris – Marseille – Lyon – Lille – Toulouse – Montprellier)

https://www.helloasso.com/associations/mwasi-collectif-afrofeministe/paiements/assiegees-3-urgences-retrait-gratuit/widget-bouton

Pré-commande livraison en France

https://www.helloasso.com/associations/mwasi-collectif-afrofeministe/paiements/pre-commande-livraison-en-france/widget-bouton

Pré-commande livraison en Europe

https://www.helloasso.com/associations/mwasi-collectif-afrofeministe/paiements/assiegees-3-urgences-pre-commandes-europe/widget-bouton

Immeubles qui s’effondrent, frontières qui se durcissent, prisons qui se remplissent, droits sociaux qui se font la malle, le climat qui s’emballe, richesse des plus riches qui s’envolent et ce sentiment de vivre avec un bruit d’alarme incessant dans la tête.

Après l’Étau et Lutter, nous avons choisi d’articuler ce troisième numéro autour du thème des Urgences. Urgences politiques, sociales et économiques, mais surtout l’urgence d’une révolution.

Depuis le premier numéro, le paysage de l’antiracisme politique/décolonial a évolué. Des routes se sont séparées, des lignes se sont définies et démarquées. Aussi, les débats sur les non blanc·he·s politisant les questions de genre et de sexualité comme outils du pouvoir blanc ont peu à peu disparus. Ceci s’explique par deux facteurs principaux : Les nombreuses attaques du pouvoir contre des organisations de féministes non-blanches qu’elles soient arabes, musulmanes ou afroféministes, rendent caduques la grande théorie qui fait d’elles des complices privilégiées du pouvoir blanc. Le travail fait par les organisations de féministes arabes, musulmanes ou afroféministes pour, d’une part, définir leur agenda politique de lutte contre le patriarcat (qu’il soit de l’État, dans la société en général ou intra-communautaire) et, d’autre part, participer au mouvement antiraciste.

Ce changement porte aussi les sujets queer et trans dans son sillage, car les organisations féministes servent aussi d’éclaireuses pour les organisations défendant ces questions. Car les militant-e-s queer et trans font partie des organisations féministes ainsi que des organisations anti-racistes. L’aller-retour des membres faisant partie de plusieurs organisations permet d’avoir des espaces  de politisation qui se superposent : à la fois sur les luttes anti-racistes/anti-impérialistes et sur celles liées au genre et à la sexualité.

C’est dans cette nouvelle configuration que s’inscrivent les questionnements et pistes de réflexion développées dans ce troisième numéro. Face aux urgences, comment répondre mais surtout comment dégager des espaces pour construire au-delà de l’urgence ? Au-delà de construire des organisations dont le but final est leur propre préservation, comment s’organiser pour accompagner les luttes et surtout arriver à la victoire ?

Contributrices et contributeurs de ce numéro 

Alexandra Wanjiku Kelbert ● Annette Davis ● Asiya Bathily ● Emy Masami ● Fania Noël ● Jade Almeida ● João Gabriell ● Magazine Dialna ● Malek Cheikh ● Mira Younes ● Mwasi-Collectif Afroféministe ● Nabintou Mendy ● Nathyfa Michel ● Sil Enda ● Sol Brun ● Zohra Khaldoun

Rédaction 

Directrice de la publication

Fania Noël

Rédaction en chef
Malek Cheikh

Conception Graphique

Laure KL

Correction

Mira Younes ●  Stéphane Gérard ● Zohra Ab ●Sol Brun ● Aria Boussetta

Couverture : Zohra Khaldoun

Illustrations

Zohra Khaldoun & Kahena

Traduction

Nadine Mondestin

Prix unitaire : 15 €

Livraison en France : 3,50 €

Livraison en Europe : 4.50 €

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agenda projet

Intersectionnalité TMTC 2017

Enregistrement de la table ronde « Qui nous protège de la police ? : Approches féministes et queer décoloniale de la lutte contre l’Etat policier «

Nawal – Ferguson in Paris

M. – Cases Rebelles
João et Dawud – Queer & Trans raciséEs contre le racisme et le néo-colonialisme

Animée par Khadija – Contributrice AssiégéEs 

https://soundcloud.com/user-53620470/itmtc-table-ronde?utm_source=Email&utm_campaign=social_sharing&utm_medium=widgetutm_content=https%3A%2F%2Fsoundcloud.com%2Fuser-53620470%2Fitmtc-table-ronde

ÉDITION 2017 

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Retrouvez le détail de nos événements directement sur notre Page Facebook ! 

https://www.facebook.com/IntersectionnaliteTMTC/photos/a.1568583706751839/1878699542406919

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revue

#2 Lutter

AssiégéEs vous présente son deuxième numéro :

Lutter

Prix unitaire : 15 €

Livraison en France : 3,50 €

Livraison dans l’U.E : 4,5 € 

Si vous êtes une association ou une librairie et que vous voulez commander plus de 6 exemplaires, merci d’envoyer un e-mail à commande@assiégé-e-s.com 

 

Vous pouvez trouver le #2 AssiégéEs à partir du 10 avril 2017 

En lecture  

Grenoble 

La BAF / 2 chemin des alpins / Grenoble 

Croisement Stalingrad Alliés / bus 16, C3, C5 / tram E 

Marseille 

Bibliothèque “les héroines” 

8A rue Lafayette

13001 Marseille

Nantes

Bibliothèque La Trousse à outils

44 rue du Bellier,

44000 Nantes  

A l’achat 

Paris 

Libraire Violette And Co

102 Rue de Charonne

75011 Paris, France

Lyon

Librairie TERRE DES LIVRES 

86, rue de Marseille

69007 Lyon

Revue décoloniale, nous poursuivons notre ambition de mettre au centre de la revue les racisé·e·s sous le joug du patriarcat, tout en nous inscrivant dans la lutte contre le capitalisme. Après un premier numéro autour de l’étau, la question qui traverse ce second numéro est celle de la lutte. La lutte collective et politique, ses modalités, son agenda, ses contraintes, comment elle se réinvente et nous réinvente mais surtout est-ce que la victoire est au bout du chemin ? A la fin du numéro nous n’aurons surement pas de réponses définitives à vous donner mais nous aurons des pistes, et vous aurez passé un bon moment. 

Pour introduire ce numéro, une analyse passionnante fera le point sur identification, identité sociale et identité politique et comment cela se traduit dans nos luttes sur les questions d’autodétermination et d’autonomie. Ce numéro comportera plusieurs contribution autour de l’école, que ce soit la mobilisation des mères contre le racisme à l’école ou celles des racisé·e·s faisant partie des équipes pédagogiques et essayant de lutter de l’intérieur contre les mécanisme racistes de l’école de la République. Les politiques publiques en matière de santé, toujours aussi racistes et sexistes, seront aussi l’un des sujets abordés, avec un focus sur la lutte contre le VIH.  

Comme on aime se balader, on fera un petit stop par Bruxelles pour une interview de Mikael Owunna qui a initié Limit(less), espace d’expressions et de représentations de LGBTQ de la diaspora africaine. On passera aussi par le Canada, qui loin d’être la terre promise vendue par Trudeau perpétue et renforce le racisme structurel. Comme dans le premier numéro nous aurons aussi des textes plus personnels qui illustrent comment le pouvoir s’inscrit dans nos vies que ce soit au travail, dans l’intimité ou dans l’espace public. 

AssiégéEs n’oublie pas la culture, au programme  une analyse cinglante du traitement validiste et classiste de la catégorie riche mais handicapé·e par le cinéma, une BD, une analyse de la série Luke Cage, une interview qui interroge les rapports de domination qui sous-tendent l’implication d’une réalisatrice blanche dans la documentation de la scène voguing à Paris, une rencontre avec la team PowerPop  et un porte-folio sur la parade afro-féministe montée par la chorégraphe Sandra Sainte Rose Fanchine. 

Contributrices et contributeurs de ce numéro 

4.70 ● Calypso Cleaver [icon-device-desktop][/icon] ● Circé Delisle ● Clumsy [icon-device-desktop][/icon] ● Dialna [icon-device-desktop][/icon]●DJ Monique [icon-device-desktop][/icon]  ● Elisa Rojas [icon-device-desktop][/icon] ● Emy Masami ●  Fania Noël ● Fatima Ouassak [icon-device-desktop][/icon] ● Ferguson In Paris [icon-device-desktop][/icon] ● Gabrielle Culand ● Kiddy Smile [icon-device-desktop][/icon] ● La team PowerPop [icon-device-desktop][/icon] ● Le Kitambala Agité [icon-device-desktop][/icon] ● Lily Hook [icon-device-desktop][/icon] ● Nargesse Bibimoune ● Octavia Pierre [icon-device-desktop][/icon] ● Po B. K. Lomami [icon-device-desktop][/icon] ● Stéphane Gérard [icon-device-desktop][/icon] 

Rédaction 

Directrice de la publication  : Fania Noël [icon-device-desktop][/icon]

Rédactrice en cheffe  : Circé Delisle 

Directrice artistique : Sandra Sainte Rose Fanchine [icon-device-desktop][/icon] 

Illustrations  

Momo Forrest [icon-device-desktop][/icon] ●  Nocturne [icon-device-desktop][/icon] 

Édition  

Mira Younes ● Stéphane Gérard ● Emy Masami 

TouTEs les contributrices/teurs de la revue sont des  femmes et/ou queers et/ou trans* raciséEs.  

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agenda

LA MARCHE DES FEMMES, AU-DELÀ DES CHIFFRES SUIVI DE LA TRADUCTION DU DISCOURS D’ANGELA DAVIS

Cette article est un extrait du numéro 2 de la revue, que vous pouvez commander ici

Tout d’abord, rappelons que cette marche est la vingtième du genre. Lors de la marche des suffragettes de 1913, le mouvement s’est déchiré sur la participation d’une délégation de femmes noires. Il a été décidé au final que les femmes blanches marcheraient devant, suivies des hommes blancs et à la fin de la marche des femmes noires. Bien évidemment celles-ci ont refusé ce “compromis” et ont choisi de manifester avec des groupes locaux. En 1970 il y a eu aussi une marche pour l’égalité de salaire, organisée cette fois par une militante noire Aileen Hernandez, effacée de l’histoire par Becky aka Betty Friedan qui en a retiré tout le crédit.

Algèbre politique : 1 million + 1 million + 1 million = zéro

Le 21 janvier 2017, la marche des femmes a mis plus de deux millions de personnes dans les rues aux États-Unis (il y a eu aussi des manifestations dans d’autres villes du monde, mais on ne sait trop dire si c’était contre Trump ou pour les droits des femmes). L’investiture de Trump n’est pas étrangère à ce succès numéraire, mais un autre élément est à prendre en compte : l’absence de ligne politique. Le but premier de cette marche était de faire du nombre, et pour cela il n’y a rien de mieux que “venez comme vous êtes”, le self-service politique, qui conduit à un mélange des genres qui ne peut que laisser perplexe. Nous avons pu voir des blocs radicaux et anti-impérialiste côtoyer des féministes capitalistes, pro-prisons, pro-police et libérales. La cerise sur le ghetto : Angela Davis qui fait un discours suivi quelques minutes plus tard par… Scarlett Johansson, vous savez celle qui a abandonné son poste d’ambassadrice à Oxfam pour continuer à soutenir la colonisation de la Palestine, et qui se fait passer pour une asiatique dans des films.

J’ai lu et relu la page Mission and Vision du site internet de la marche, et ce au moins une dizaine de fois, et je dois vous avouer que je n’ai pas saisi le message (politique?), ce serait faire insulte au mot, d’user du terme “revendications”. J’ai reçu le coup de grâce, avec la conclusion, une citation (merveilleuse) d’Audre Lorde mais que beaucoup aiment utiliser comme moyen de pacification et de détournement de la question du pouvoir : “Ce n’est pas nos différences qui nous divisent. C’est notre incapacité à les reconnaître, les accepter et les célébrer”. On doit reconnaître un certain talent, je dirais même plus, un talent certain aux forces libérales, car réussir à trouver LA citation d’Audre Lorde, qu’on va pouvoir saucer au sel sans épices pour faire passer la pilule, c’est pas mal.

Il y a plusieurs témoignages de femmes racisées à propos des micro-agressions racistes qu’elles ont subies lors de cette marche, des femmes blanches se prenant en photos avec la police pour féliciter leur “ange-gardien”, des visuels et images s’inscrivant dans le pinkwashing (celui qui a fait le plus débat est le visuel inspiré d’une photo de Munira Ahmed prise par le photographe Ridwan Adhami), la campagne de dénigrement contre la militante palestinienne-américaine Linda Sarsour venant de la droite américaine mais aussi d’une certaine Madame Fourest dont les obsessions ne sont plus un secret. En effet la marche des femmes n’avait pas de programme politique, mais certains groupes présents sont venus marcher avec celui que leurs organisations défendent au quotidien. Le discours d’Angela Davis, reprend la majorité des revendications politiques portées par les groupes féministes avec lesquels nous nous tenons en solidarité, et dont les voix ont été noyées lors de cette marche : contre les violence domestiques et étatiques, contre l’accaparement du pouvoir et du bien être, contre l’hétéro-patriarcat, pour la justice reproductive, contre l’exploitation capitaliste, pour l’abolition de la prison, la solidarité internationale, l’anti-impérialisme et l’anti-colonialisme…

Quand on y regarde de plus près, l’impact de cette marche est proche de zéro, les manifestations sans demandes politiques et qui en plus ne perturbent pas le système – c’est à dire l’activité économique et sociale – ne restent que des démonstrations numéraires à portée limitée… bien que très exaltantes et photogéniques. Il ne faut pas s’y tromper, marcher pour les droits des femmes, n’est pas une revendication politique, surtout en contexte occidental où féminisme blanc et féminisme libéral font office de référence. La lutte pour les droits des femmes, est à la lutte contre le patriarcat, ce que la mixité sociale est à la lutte des classes. On peut y mettre le meilleur comme le pire, mais force est de constater qu’il s’agit le plus souvent du pire qui se cache derrière cette appellation pacifique et humaniste : fémonationalisme, pinkwhashing, féminisme capitaliste… Dans une approche révolutionnaire et radicale, les organisations espèrent un mouvement de masse mais cela ne peut se faire par l’abandon d’un programme politique, au contraire il s’agit de construire un programme politique et les modalités d’actions qui feront que ce programme se propage, soit compris et obtienne l’adhésion du plus grand nombre.

Nous devons assumer notre objectif politique en tant que féministes radicales et révolutionnaires : l’abolition du patriarcat, rien de plus, rien de moins. 

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#1 L’Étau

AssiégéEs vous présente son premier numéro :

L’étau

Dessin de couverture : Tableau de Fatomousso 

Côté France : on parlera de nos vies prises dans des systèmes d’oppression et d’exploitation multiples, ainsi que des injonctions politiques qui contribuent à nous rendre  la vie impossible : antiraciste ou féministe ? matérialiste ou queer ? lutte globale ou lutte minoritaire ?  On réfutera ces fausses alternatives en rendant visibles nos positions, véritables impasses pour les mouvements traditionnels, alors même que depuis nos positions situées, on peut penser la résistance contre ce système pourri : travailleuse du sexe noire assassinée dans l’indifférence générale, queers raciséEs dans le monde du travail, politique de respectabilité destructrice envers les jeunes filles noires et arabes, violences à la fois sexistes, racistes et lesbophobes dans l’espace public, marginalisation et exposition aux violences toujours plus grandes pour les trans raciséEs.

Allons au Québec : il semblerait que ce soit la nouvelle terre promise pour échapper aux racisme structurel… C’est avec regret que nous vous annonçons qu’il n’en n’est rien : blackface, livres racistes envers les haïtienNEs, représentations orientalistes exotisantes au musée. On parlera quand même des initiatives qui nous inspirent comme La Third Eye Collective, qui est tenue par des femmes noires et afro-descendantes qui se sont données pour mission de guérir et de s’organiser contre les violences sexuelles et étatiques. Elles mettent au centre de leur travail collectif les theories critiques de la race, la justice transformative, la responsabilité à l’égard de la communauté, et les approches de réduction des méfaits.

Retour en Europe : on fera aussi un petit stop par Londres pour le super texte de Momtaza Mehri : “Noires, britanniques et musulmanes : nous ne sommes pas juste une complication”. Toujours à Londres : rencontre avec les membres du groupe anticapitaliste noir London Black Revs, dont la devise est : Combattre l’injustice quel qu’en soit le coût. Un programme qui nous parle !

Direction le Brésil : pour casser l’imaginaire eurocentrique et blanc résumant le Brésil à des femmes (blanches) nues sur les plages de Rio, et à des femmes noires disponibles sexuellement pour les touristes. Rien de mieux qu’un témoignage photo par Thaïs Alvarenga, photographe brésilienne noire faveleada et le coup de poing de Kely Cristina  racontant la réalité de mère célibataire noire de favela à Rio de Janeiro. De quoi revisiter les préjugés!

Dernier arrêt, le Kurdistan :  on décryptera la fascination plus que suspecte pour les combattantes kurdes dont témoignent les médias occidentaux.

Une pause et du selfcare : parce qu’il est compliqué de rejoindre des mouvements lorsqu’on est mal dans sa peau, on n’oublie pas le corps, avec un article sur comment s’aimer quand on est grosse et noire : décontruction, lutte et flamboyance !

Côté culture : de la poésie révolutionnaire, le porte-folio “Niafiou is the new punk”, des séries américaines analysées sous les angles: race, genre, classe, sexualité et politique de respectabilité. 

Et pour finir, nous publions la traduction d’un texte de Indeginous Action : “Des complices, pas des alliéEs: abolir le complexe industriel de l’AlliéE “. Nécessaire TOUS LES JOURS.  

Contributrices et contributeurs de ce numéro : 

Alexandra Wanjiku Kelbert ● Annette Davis [icon-device-desktop][/icon] ● Amandine Gay [icon-device-desktop][/icon] ●  Dawud ●                                                       Elena Stoodley ●  Fania ● Inès El-Shikh ● João Gabriell ● Kely Cristina ●  Kiyemis [icon-device-desktop][/icon] ● LSG [icon-device-desktop][/icon] ●                                   Marie-Julie ● Massinissa G ●  Momtaza Mehri [icon-device-desktop][/icon] ● Mrs Roots [icon-device-desktop][/icon] ●  Naouel  ●  Octavia Pierre [icon-device-desktop][/icon] ●                                                                                               Po B. K. Lomami [icon-device-desktop][/icon] ●  Tarek Lakhrissi [icon-device-desktop][/icon] ●  Thaïs Alvarenga ● Y.A.M

Rédaction 

Directrice de la publication  : Fania Noël [icon-device-desktop][/icon]

Rédactrice en cheffe  : Naouel [icon-device-desktop][/icon]

Directrice artistique : Sandra [icon-device-desktop][/icon]

Community Manager : João Gabriell [icon-device-desktop][/icon]

Illustrations :  Fatomousso & Maria Chantal [icon-device-desktop][/icon]

Relectures et corrections : Mira ● Awa ● Hanane ● Emy ● Assia [icon-device-desktop][/icon]

Traductions :  Annette Davis ● Imane ● Nadine 

Si vous êtes une association ou une librairie et que vous voulez commander plus de 10 exemplaires, merci d’envoyer un e-mail à commande@assiégé-e-s.com 

TouTEs les contributrices/teurs de la revue sont des  femmes et/ou queers et/ou trans* raciséEs.

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RETOURNEMENT DE CERVEAUX : UNIVERSITÉ POPULAIRE

Intersectionalité TMTC : Paris – Bruxelles

Intersectionnalité TMTC 

Dates : 14 et 28 juin 2015 

Lieux : Paris & Bruxelles 

 Il est alors temps de recréer des espaces pour nous afin de repolitiser et se réapproprier nos vécus, nos projets et nos luttes. Par la politisation de nos conditions dans la société, nous incarnons l’intersectionnalité. Nous sommes les expert.e.s de nos vies et possédons la matière première d’une lutte inteserctionnelle et véritablement transformatrice, qui s’inscrira dans un mouvement global contre ce système d’exploitation, d’oppression et de mort que doivent endurer certain.e.s afin que d’autres puissent se la couler douce.

Travaillons ensemble à construire des mouvements qui ont un réel impact sur nos vies ! 

Plus d’infos 

Retournement de cerveaux : Université populaire

Dates : 1er au 26 juillet / Lieu : Paris

AssiégéEs lance la première édition de “Retournement de cerveaux” : université populaire, radicale et racisée. Les modules seront les thématiques de la revue, accessibles  et en plus c’est gratuit.  Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 7 juin 2015 

Vous êtes à Paris cet été, venez nous retrouver en fin de journée après le travail et le week-end. Les horaires seront adaptées pour les personnes faisant le Ramadan.

Le travail d’AssiégéEs est destiné en priorité aux femmes, queers et trans raciséEs francophones et plus largement aux personnes raciséEs. Ces temps réservés sont importants car ils permettent d’échanger au sujet d’expériences individuelles ( blessures, traumatismes, peurs et espoirs) pour développer une conscience et une analyse collectives afin d’identifier des objectifs et de déterminer des moyens d’actions adéquats.

Si vous vous considérez comme un.e allié.e.s, voici les autres moyens de nous soutenir : 

– Transmettre l’information à vos contacts raciséEs que cela pourrait intéresser ( sans paternalisme)  

-Soutenir notre appel aux dons 

-Vous informer

Les modules sont accompagnés de la mention “Public : xxx”. Ex: “Public : femmes noires” : réservé aux femmes ( cis ou trans*) noires

Questions fréquentes : 

Q : Je peux m’inscrire à plus de 3 modules ? 

Non, si des modules ne sont pas complets au 7 juin, vous pourrez vous y inscrire 

Q : Je dois venir à toutes les sessions des modules ? 

Oui, les modules sont construits sur la continuité, et c’est certain que vous voulez pas rater des ateliers plus top les uns que les autres 

Q : Je ne suis pas une personne racisée, je souhaite m’inscrire aux modules, juste pour observer sans participer, est-ce possible ? 

NON ! L’Université populaire AssiégéEs, n’est ni un terrain anthropologique ni un vivier à idées pour militantEs. Il s’agit d’un espace pour créer des mobilisations politiques d’émancipation. Respecter cet espace. Pour aller plus loin nous vous invitons à lire ce texte 

Q : Je suis une personne racisée, je souhaite participer à un atelier dont je ne fais pas partie du public cible, est-ce possible ? (ex: femme non queer pour l’atelier queer et trans*) 

Non, vous trouverez votre bonheur parmi les modules qu’on propose ne vous inquiétez pas. 

Q : Je suis une personne racisée et je souhaite venir avec un.e ami.e non racisé.e. Est-ce possible ? 

NON ! L’Université populaire AssiégéEs, n’est ni un terrain anthropologique ni un vivier à idées pour militantEs. Il s’agit d’un espace pour créer des mobilisations politiques d’émancipation, et non de la pédagogie et sensibilisation pour les personnes non racisées. Et cela vaut pour les ami.e.s, partenaires, collègues, camarades militante.s, membres de la famille etc.. . Vous pourrez utiliser, si vous le voulez ce que vous avez appris pour transmettre à vos proches. 

Q : Les ateliers seront-ils filmés/ enregistrés ? 

Non, les ateliers se veulent un espace de partage et de parole. Néanmoins un compte rendu globale des ateliers sera fait et disponible en ligne. 

Q : J’aimerais annuler mon inscription à un module  

Envoyez un e-mail à univpop@assiégé-e-s.com 

Q: J’ai d’autres questions 

univpop@assiégé-e-s.com

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Intersectionnalité TMTC 2015

Intersectionnalité TMTC : Paris-Bruxelles #ITMTC

Nous, enfants des anciennes colonies, parmi lesquels nous sommes femmes, queers, trans, travailleur.e.s du sexe, migrant.e.s, prolétaires, étudiant.e.s précaires, chômeur.e.s, non intégrables aussi bien sur le marché de l’emploi que sur celui de l’identité nationale… prenons la parole pour changer nos vies !

Pourquoi « intersectionnalité » ?

L’intersectionnalité, c’est pas compliqué, c’est une vision politique héritée des luttes des femmes noires américaines. On connait le mouvement des droits civiques, le mouvement Black Power, mais il y a eu aussi l’émergence du Black feminism. Le but ? Montrer que le féminisme qui s’appuie sur l’expérience des femmes blanches, l’antiracisme qui s’appuie sur l’expérience des hommes noirs, et l’anticapitalisme qui refuse de prendre en compte le racisme et le sexisme, sont des impasses pour celles qui sont à la fois femmes, noires et de classe populaire. Résultat : il y a eu un foisonnement de groupes, des quartiers populaires jusqu’aux universités, qui militaient et militent encore contre les violences d’Etat et intracommunautaires touchant les femmes noires pauvres ; violences spécifiques dont tous les autres mouvements se fichaient et se fichent encore royalement.

Nous, avec cet héritage-là, on propose d’élargir dans le contexte francophone (France-Belgique) non pas seulement aux femmes noires pauvres, mais à toutes celles et ceux qui sont issu.e.s des anciennes colonies et se situent à l’intersection de plusieurs autres situations de domination, et sont vulnérables au durcissement du système néo-libéral : femmes prolo lesbiennes, trans hommes et femmes au chômage, femmes et hommes queer musulman.e.s, travailleur.e.s du sexe migrant.e.s, queers et trans migrant.e.s etc.

Tout ça, ça s’inscrit dans une lutte plus globale : contre le système patriarcal, raciste et capitaliste dans son entièreté. Mais dans cette lutte globale, il y a des spécificités qui doivent être prise en compte en même temps. Et c’est sur ce terrain des spécificités qu’on se situe, en faisant des allers retours entre nos positions spécifiques et un idéal global contestaire.

Pourquoi ces journées ?
Nous sommes fatigué·e·s et énervé·e·s de voir un outils de lutte construit par nous et pour nous être récupéré, malmené et vidé de toute substance par les intelelctuel·le·s, académiques, politiques blanc·he·s qui ont décidé de parler de nous sans nous. En plus des intellectuel.le.s, les activistes blanc.he.s utilisent l’intersectionnalité comme un moyen d’appeler à une supposée “convergence des luttes” qui n’est en fait qu’un moyen d’obtenir le soutien des racisé.e.s ( c’est à dire nous les non blancs, éternels « étrangers » en Europe) pour leurs luttes, et jamais en retour être de vrais allié.e.s pour les nôtres. En gros, l’intersectionnalité sert paradoxalement aux blanc.he.s, universitaires et/ou militant.e.s à évacuer la question du racisme systémique et tout potentiel transformateur pour les racisé.e.s.
Dans le même temps, un certain anti-racisme prèfere réduire l’intersectionnalité à l’usage dépolitisant qu’en font les blanc.he.s cité.e.s précédemment, afin de mieux nous faire taire et invisibiliser les usages que nous en faisons. Ce qu’ils veulent ? Qu’on se batte pour l’égalité entre hommes hétérosexuels de toutes les communautés, blanches et non blanches, sans rien changer au patriarcat, à l’hétérocentrisme et la transphobie.
D’autres, marxistes, côté intellos perchés ou militant, choisissent de réduire “les intersectionnelles” à un groupe homogène qui serait fondamentalement à l’ouest sur les questions économiques et le capitalisme, trop “identitaires”, voire pour certains “sans programme politique”, même quand eux-mêmes n’en ont pas (si ce n’est défendre leur pré-carré).

Au fond, ces mêmes personnes continuent toutes d’ignorer les racisé.e.s qui travaillent et luttent sur ces questions depuis longtemps, ici, qu’elles utilisent ou pas le terme « intersectionnalité ». Cette attitude, cette appropriation de nos paroles et vécus, ces silenciations et invisibilisations de nos positions spécifiques dans les rapports d’exploitation et dans les différents systèmes d’oppression, sont tout simplement une dépolitisation d’un outil politique radical construit pour et par nous.
Nous décidons de tchiper et balayer d’un geste nonchalant de la main des propos qui ne retiendront désormais plus aucune de nos considérations.

Toi-même tu sais #TMTC
Il est alors temps de recréer des espaces pour nous afin de repolitiser et se réapproprier nos vécus, nos projets et nos luttes. Par la politisation de nos conditions dans la société, nous incarnons l’intersectionnalité. Nous sommes les experts de nos vies et possédons la matière première à une lutte inteserctionnelle et véritablement transformatrice, qui s’inscrira dans le mouvement global contre ce système pourri qui fabrique l’exploitation, l’oppression et la mort pour certain.e.s, afin que d’autres puissent se la couler douce.

Travaillons ensemble à construire des mouvements qui ont un réel impact sur nos vies !

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